SAUVETAGE
L’élevage de la honte à Abbeville
Son métier, son revenu, c’était l’exploitation des chiens et des chats qu’elle détenait dans des conditions aussi misérables qu’illégales. Dans la Somme, une éleveuse clandestine s’est vue retirer 45 chiens et 6 chats transformés en machines à reproduire. C’est la Fondation Assistance aux Animaux qui a récupéré dans ses refuges d’Ile de France les malheureux arrachés à un sort insupportable.
En cette mi-décembre, il fait froid et c’est un jour comme les autres pour les pensionnaires de cet élevage clandestin. En box ou dans des salles communes, ils attendent leur pitance du jour. On se gratte, on se lèche, on déambule sur des sols gluants de saleté dans une odeur perpétuellement pestilentielle. Mais ce jour là, ce n’est pas leur propriétaire qui s’approche d’eux, mais un ballet étrange d’hommes et de femmes en T-shirts siglés Fondation Assistance aux Animaux, de représentants de la police judiciaire et d’experts vétérinaires, venus mettre fin à leur calvaire. Mais pour lors, chiens et chats non socialisés et totalement paniqués, se terrent dans les coins, terrifiés par tout ce remue-ménage. Il y a là des Malinois, des Staffies, un Bouledogue français aveugle, des Tervueren et des Fox Terriers. Côté félins, on reconnaît des Main Coons, des British Short Hair et des Sacrés de Birmanie.
Tous sauvés !
« Chez les chats, l’odeur était irrespirable, se souvient Anne-Claire Chauvancy, porte-parole de la Fondation. Ca sentait l’urine et l’ammoniac. Ils étaient séparés par races et par de grosses grilles à l’intérieur d’une grande pièce de la maison délabrée. Leur logis ? Une sorte de débarras jonché de vieux matelas, de ferraille. Les chiens étaient détenus dans une grande salle ou dans des boxes de fortune… La plupart avaient visiblement des problèmes de peau et des soucis auriculaires et oculaires.»
Au total ce sont 16 chiens adultes, 19 chiots et 6 chats qui sont déménagés dans la douceur. Les animaliers les transportent au bras dans la plupart des cas, autant pour les rassurer que pour pallier leur état de faiblesse. Leurs yeux purulents, les battements affolés de leur cœur, leur regard terrifié provoque selon le caractère des sauveteurs, la rage ou le chagrin. Leur tâche est presque terminée quand la rumeur se répand : il y aurait un second site, d’autres chiens à ramener au refuge ! On se met donc à la recherche d’une ancienne porcherie, annexe présumée de l’élevage de la honte. Et en effet, une dizaine de chiens viennent rapidement grossir les rangs des animaux installés dans les kennels de la Fondation.
« Les chiens n’étaient pas séparés de manière aléatoire. Sur le premier site il y avait les animaux reproducteurs et les bébés. Sur le second, l’éleveuse parquait les chiens qu’elle emmenait en exposition. Ils n’étaient pas mieux traités que les autres. Simplement un peu avant les concours, elle devait les retaper au niveau de la nourriture, et la veille du défilé, elle leur faisait un toilettage géant. »
Biberonnage au refuge
Rapidement les langues se délient et on apprend qu’il était pratiquement impossible pour les acheteurs de parler avec l’éleveuse sitôt la vente conclue, que des parvoviroses se déclenchaient dans les 48 heures suivant la transaction, que les papiers n’étaient fournis qu’après renégociation des tarifs et subterfuges du client pour entrer en contact avec la vendeuse…
« Ma chienne, âgée de 2 ans, souffre de troubles graves du comportement, témoigne un client de l’élevage. J’ai du consulter des vétérinaires spécialistes pour essayer de calmer son anxiété maladive. On lui prescrit des médicaments pour l’apaiser et des séances d’éducation pour l’adapter davantage à la vie en communauté, mais elle demeure extrêmement craintive, inadaptée. Le seul fait de lui passer la laisse est un parcours du combattant… »
Nourris et abreuvés, les animaux enlevés entreprennent dans le calme leur voyage vers la région parisienne, la normalité, le bien-être. Les vétérinaires constatent à la chaîne leur maigreur, leurs yeux abîmés, leur peau infectée. Blépharite, entropions voire cécité totale pour une Bouledogue cantonnée à son rôle de reproductrice. Les femelles ont les mamelles distendues et le ventre flasque, signes de grossesses répétées sans répit. Tous les chiens souffrent d’otites non soignées, de tartre, de parasitisme, et certains, de maladies infectieuses. Les chats sont squelettiques, en mauvais état général. Pour tout ce petit monde et pour la première fois, c’est l’heure des soins, de la bonne nourriture distribuée régulièrement, du toilettage, des bonnes paroles et des câlins.
« On a eu une petite chienne Tervueren, de quelques jours à peine, qui cherchait à téter une chienne qui n’était pas sa maman, se souvient Anne-Claire. C’est Martine, la responsable, qui l’a biberonnée jour et nuit au refuge de Villevaudé et qui lui a sauvé la vie. Aujourd’hui, Jedi a 7 mois et elle est devenue la mascotte du refuge. La plupart des autres ont été placés en famille d’accueil en attendant un jugement définitif. L’éleveuse est poursuivie pour mauvais traitements, exercice illégal de la médecine vétérinaire et divers manquements à des obligations sanitaires. La Fondation espère fermement que sa condamnation sera assortie d’une interdiction de travailler avec des animaux ou même d’en posséder.
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