L’histoire de Rocky (arrivé en refuge en Août 2016)
Mon humain se sert de moi pour travailler. J’’ai 11 ans, de l’arthrose, et un bon caractère mais ca lui importe peu. Quand il me met ma muselière, je fais peur et c’est juste ça qui compte. Quand il ne m’utilise pas, il me range dans la voiture au pied de la cité. C’est la que je passe le plus clair de mon temps. Ca ne le gêne pas, lui il trouve ça normal. Et moi je l’aime alors je fais ce qu’il me dit et je reste bien sage jusqu’à ce qu’il revienne.
Sauf que en été, le soleil tape fort et dans la voiture parfois je ne me sens vraiment pas bien. Surtout qu’il ne me laisse même pas de quoi boire.
Ce matin là, j’étais dans la voiture. Un jeune est passé, je m’en rappelle car il a planté ses yeux dans les miens et il m’a dit quelque chose qui m’a fait remuer la queue. Puis il est parti. Il faisait déjà chaud dans l’habitacle mais l’air était encore un peu frais de la nuit alors ça allait. Quelques heures plus tard, le jeune homme est revenu. Il avait l’air surpris de me voir à nouveau. Il a tapé à la vitre. Il devait être 11h, il commençait vraiment à faire chaud. Je l’ai regardé, la langue pendante, puis il s’est éloigné avec son téléphone.
Puis plus rien. La température a continué de monter. J’ai commencé à ne vraiment pas me sentir bien. Des hommes en uniformes sont passés, m’ont regardé, puis ils sont partis. Le jeune est à nouveau revenu. Il a tapé à la fenêtre, mais j’avais trop chaud alors je n’ai pas réagit. Je l’ai entendu parler au téléphone. « un chien dans une voiture depuis ce matin … il n’a pas l’air bien… il faut faire vite… »
Quelques minutes plus tard j’ai vu un homme avec un tee-shirt noir. J’ai entendu que ça s’affairait. Des gens en uniformes. Le gars qui insiste. Un bruit bizarre, une portière qui s’ouvre puis une main qui m’attrape. Un bol d’eau, des caresses. J’avais tellement soif. Puis je ne sais plus.
Je crois qu’on me met dans une autre voiture. Mais celle ci, elle roule et il n’y fait pas chaud. On roule un peu puis la portière s’ouvre. On me passe une laisse. Tiens, pas de muselière aujourd’hui ? Je n’ai pas l’habitude mais je ne dis rien. On me conduit dans un endroit avec d’autres chiens. Pleins. Ils aboient, ils remuent la queue. Ils appellent le monsieur qui est au bout de la laisse, mais lui a l’air inquiet, il me regarde avec un drôle d’air. Il me fait entrer dans une pièce carrelée, avec un dodo propre et frais. Il y fait bon et je n’ai pas peur. Il me donne encore de l’eau. J’ai tellement soif !
Après quelques jours, je me sens mieux. Je les aime bien ces gens qui s’occupent de moi. Ils me donnent plein de truc à manger, ils me font plein de caresses. Ils me parlent doucement, je sens qu’avec eux je suis en sécurité. Ils m’ont dit qu’à mon âge, je ne devrais pas travailler. Ils m’ont dit que beaucoup de chien comme moi meurent chaque été dans des voitures surchauffées. Ils m’ont dit qu’ils étaient contents que je sois là et que j’aille mieux. Et surtout, ils m’ont dit que je pourrais rester avec eux autant qu’il le faudrait.
Je les aime bien ces gens au tee-shirt noir. Vraiment bien. Alors pour eux, je serais le plus sage des chiens. Ils m’ont dit que peut être un jour, j’aurais une « famille ». Je ne sais pas bien ce que c’est, mais ça avait l’air de les rendre content. Alors j’attends avec eux que ce moment arrive.